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« Le plein air devrait être une modalité normale du spectacle vivant » (Nathalie Deguen, Resthever)

News Tank Culture - Paris - Entretien n°210639 - Publié le
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Nathalie Deguen et Bruno Ory-Lavollée - ©  D.R.

« Au-delà de l’utilité particulière du plein air dans le contexte de la crise du Covid-19, notre conviction est que le plein air devrait être - et il l’a parfois été - une modalité normale du spectacle vivant. Il devrait être une deuxième ou troisième salle à inclure dans la panoplie des modalités classiques d’accueil du public des théâtres et lieux de spectacle », déclare à News Tank Nathalie Deguen, présidente-fondatrice du Réseau européen des théâtres de verdure (Resthever Réseau européen des théâtres de verdure ) dédié à la sauvegarde, la promotion et l’animation de ces lieux de plein air, le 10/03/2021. 

Bruno Ory-Lavollée, président et directeur artistique du Festival des Forêts • Création en 1992 • Mission : - mettre en espace la musique classique dans les décors naturels des forêts de Laigue et de Compiègne. • Fréquentation 2019 : 9 000 spectateurs • Fréquentation… (Oise) dans le cadre duquel sont proposés chaque année des concerts de musique dans les forêts de Compiègne et de Laigue, dit également la nécessité de développer le plein air dans le spectacle vivant. Selon lui, cette mutation doit être « structurelle » - et pas seulement corrélée à « un impératif immédiat et urgent » - car le plein air peut participer d'« un renouvellement des formes » et est « l’un des outils de la démocratisation du spectacle vivant et de l’art ».

« Les collectivités doivent avoir une attitude ouverte vis-à-vis de ces propositions. Il pourrait y avoir un soutien financier pour favoriser, cette année en particulier, cette modalité », ajoute Nathalie Deguen. Bruno Ory-Lavollée rappelle, lui, que « dans la période de crise, la puissance publique a su répondre extrêmement rapidement avec des mesures d’indemnisation. L’adaptation du spectacle vivant doit obéir à la même logique ». Il suggère la mise en place d’un fonds « scènes vertes » à côté du fonds « captation » créé par le ministère de la Culture pour soutenir les festivals d’été 2021.

Nathalie Deguen et Bruno Ory-Lavollée répondent aux questions de News Tank.


Au regard de la situation sanitaire et d’une circulation toujours active du virus, le Réseau européen des théâtres de verdure appelle à « investir les scènes vertes ». Qu’entendez-vous par « scènes vertes » ?

Nathalie Deguen : Le terme de « scènes vertes » regroupe tous les lieux en plein air, parcs et jardins, ainsi que les scènes plus particulièrement aménagées pour le spectacle vivant, à savoir les théâtres de verdure et les théâtres de plein air. Les espaces en plein air, les parcs et jardins, parfois situés dans des domaines patrimoniaux aujourd’hui en quête assoiffée de revivre, sont des lieux à valoriser et dans lesquels le spectacle vivant a toute sa place. Des acteurs importants du patrimoine, comme la Fondation du Patrimoine • Créée par la loi du 02/07/1996 et reconnue d’utilité publique par décret le 18/04/1997.• Missions :- sensibiliser les Français au nécessaire effort commun en faveur du patrimoine national,… , s’intéressent de plus en plus à ce patrimoine vert, lequel est d’ailleurs de plus en plus reconnu en tant que tel.

Bruno Ory-Lavollée : Dans cet univers des théâtres de verdure, certains sont déjà bien installés et repérés comme le jardin de Bagatelle à Paris ou le théâtre de Fourvière à Lyon. Dans presque tout parc ou toute forêt, il est aisé de trouver l’emplacement ou la disposition végétale permettant de créer un lieu de spectacle durable ou éphémère. C’est ce que nous faisons beaucoup au Festival des Forêts : nous choisissons, à l’issue d’un travail de repérage dans les forêts de Compiègne et de Laigue, les espaces, clairières dans lesquels nous programmerons un concert.

• Selon un inventaire réalisé par Resthever, 63 théâtres de verdure ont été identifiés en France et 40 à l’étranger.

• En France, il y en a dans des villes comme Drancy, Rosny-sous-Bois en région parisienne, mais également dans des petits villages. « Je suis actuellement en lien avec un village du sud-ouest qui a sollicité notre réseau pour bénéficier de conseils pour construire son théâtre de verdure », précise Nathalie Deguen.

• Resthever organise depuis quelques années des tournées, (modalités du spectacle vivant à redynamiser), pour animer le réseau des théâtres de verdure et de plein air d’une région. « L’an dernier, malgré les contraintes sanitaires, nous avons pu réaliser une partie de notre programme en Normandie, à Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), haut lieu de l’art des jardins, et dans le parc d’une propriété. Celle-ci n’avait pas de structure particulière pour l’accueil d’un spectacle, mais il a tout de même laissé un souvenir ému aux spectateurs », ajoute Nathalie Deguen.

Quel est l’avantage de ces scènes vertes ?

Nathalie Deguen : Il est important de parler du plein air dans le contexte de la crise du Covid-19, tout en se demandant ce qu’il peut apporter au spectacle. Sur le premier aspect, il est évident qu’il diminue le risque de transmission du virus et qu’il permet plus d’espace, ce qui facilite la distanciation entre les spectateurs. Ces lieux naturels impliquent des modalités d’organisation qui ont leurs contraintes mais, en temps de crise sanitaire, ils sont bien plus favorables que les salles fermées.

Au-delà de l’utilité particulière du plein air dans le contexte actuel, notre conviction est qu’il devrait être - et il l’a parfois été - une modalité normale du spectacle vivant. Il devrait être une deuxième ou troisième salle à inclure dans la panoplie des modalités classiques d’accueil du public des théâtres et lieux de spectacle. 

En temps normal, de juin à octobre, on pourrait utiliser les modalités du plein air, et plus particulièrement tous les lieux de plein air conçus pour accueillir des spectacles. Cela apporte une dimension autre aux spectacles, une certaine magie que les gens retiennent. Cela amène aussi d’autres spectateurs et une nouvelle façon de pratiquer le spectacle vivant.

Le plein air est un des outils de la démocratisation du spectacle vivant et de l’art »

Bruno Ory-Lavollée : La mutation du spectacle vivant vers le plein air devient un impératif pour les organisateurs de spectacle, les artistes et tous ceux qui les soutiennent. Elle a une double dimension : une adaptation immédiate et urgente face à la crise sanitaire dont on sait qu’elle ne sera pas terminée l’été prochain ; et une mutation beaucoup plus structurelle qui permettrait de tirer tous les bénéfices du plein air : artistiques, patrimoniaux…

Dans le cadre du Festival des Forêts, je vois deux bénéfices particuliers : le renouvellement des formes et la démocratisation. Le plein air est un des outils de la démocratisation du spectacle vivant et de l’art. Il peut contribuer à faire disparaître cette peur de franchir le seuil du lieu de spectacle, mais aussi cette peur d’être enfermé en s’ennuyant… 

Nathalie Deguen : C’est aussi dans cet esprit de démocratisation que l’on a connu, à plusieurs époques, une vague de construction de théâtres de plein air. C’est le cas dans les années 30 ou les années 1970 par exemple où beaucoup de communes de la région parisienne, notamment, ont construit leur théâtre de plein air. Et aujourd’hui encore, de petites communes en construisent car ils sont, pour leurs élus, un moyen d’amener la population à la culture et de brasser cette population. Avec toutefois des problématiques en termes d’entretien d’une part, et d’ouverture d’autre part. En effet, l’ouverture de ces théâtres doit être pensée en dehors d’une logique institutionnelle, en dehors d’un modèle « un lieu une institution », « un lieu une compagnie », « un lieu une association ». 

Les scènes vertes sont-elles adaptées à toutes les esthétiques du spectacle vivant ? 

Les théâtres de verdure : des lieux de 300 places jusqu’à des ouvrages pouvant recevoir 3 000 à 4 000 personnes »

Nathalie Deguen : Les théâtres de verdure ont des modalités et des configurations très variées. Cela peut aller du théâtre de verdure du jardin Shakespeare dans le bois de Boulogne (avec une jauge d’environ 300 spectateurs) à des ouvrages très importants sur le modèle nord-américain. On recense par exemple des théâtres de plein air à Montréal qui peuvent recevoir 3 000 à 4 000 spectateurs et qui disposent d’équipements annexes très variés en termes de régie, de coulisses… La variété de ces scènes vertes est très grande et le type de spectacles qui peuvent y être accueillis aussi.

Bruno Ory-Lavollée : En plein air, la question acoustique se pose évidemment. Sur des grandes jauges, il y a un besoin de sonorisation spécifique. En revanche sur des jauges plus petites de quelques centaines de place, beaucoup de théâtres sont adaptés. 

Quelle que soit l’esthétique, le plein air appelle une certaine simplification. On doit abandonner quelque chose pour gagner dans la magie de jouer avec le cosmos comme salle de spectacle.

La saison dernière, le Théâtre du Rond-Point avec ses spectacles « au jardin », ou le Festival des Forêts avec ses « Bains de forêt musicaux », ont su montrer qu’il est possible de se réinventer.

Les adaptations techniques et artistiques induisent des coûts et nécessitent par ailleurs des autorisations spécifiques. N’est-ce pas aussi à la puissance publique d’intervenir à cet endroit pour accompagner les structures et les artistes à « investir les scènes vertes » ?

Bruno Ory-Lavollée : La crise sanitaire oblige à des adaptations, parfois extrêmement rapides, telles que le passage au télétravail qui constitue un bouleversement majeur pour les entreprises et implique des investissements, des changements d’organisation et de méthodes de travail. Cette crise doit jouer le même rôle pour le développement du plein air dans le monde du spectacle vivant.

Ce changement implique des coûts, des autorisations, des investissements. Dans la période de crise que nous traversons, la puissance publique a su répondre avec des mesures d’indemnisation décidées extrêmement rapidement. L’adaptation du spectacle vivant doit obéir à la même logique. À côté du fonds captation mis en place par le ministère de la Culture pour accompagner les organisateurs de festivals en 2021, il devrait y avoir un fonds « scènes vertes ».

À côté du fonds captation, il devrait y avoir un fonds “scènes vertes” »

Les modalités réglementaires et les autorisations - qu’elles soient liées à l’urbanisme, aux monuments historiques ou à la sécurité - sont importantes dans le cas des lieux de plein air. Il faut que la réponse réglementaire fonctionne en « régime de crise ». Si vous souhaitez installer un édifice provisoire servant de loge et de régie à proximité d’une scène verte pour l’été 2021, il faut que les autorisations puissent être données en un mois, contre six mois dans un cadre normal.

Nathalie Deguen : Un certain nombre de théâtres de plein air sont dans la catégorie des ERP établissements recevant du public plein air. Cette catégorie intègre presque toutes les contraintes d’une salle fermée. Il faudrait pouvoir faire en sorte qu’un certain nombre de ces contraintes soient allégées. L’été dernier déjà, des acteurs culturels ont fait le choix de proposer des spectacles en plein air. Le théâtre du Rond-Point a ainsi programmé un certain nombre de spectacles qui ont été adaptés pour pouvoir être joués à l’extérieur.

Les collectivités doivent avoir une attitude ouverte vis-à-vis de ces propositions. Elles doivent avoir une approche au cas par cas. Il peut y avoir un soutien financier pour favoriser, cette année en particulier, cette modalité du plein air. En ces temps troublés, les scènes vertes représentent pour nos théâtres un retour aux sources qui assure l’avenir. À cet égard, Elonora Duse, grande tragédienne italienne de la fin du XIXe siècle, disait à propos du plein air : « Nous devrions retourner aux Grecs et jouer en plein air : le drame meurt du parquet, des loges, des toilettes, des soirées et des gens qui viennent au théâtre pour digérer leur dîner ».

Nathalie Deguen


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Parcours

Réseau européen des théâtres de verdure
Fondatrice et présidente

Fiche n° 43173, créée le 09/03/2021 à 17:29 - MàJ le 09/03/2021 à 17:40

Bruno Ory-Lavollée


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Parcours

Médiathèque Musicale Mahler
Président
Cour des comptes
Conseiller maître
Fondation de Chantilly
Directeur général
Cour des comptes
Conseiller maître
Ministère de la Culture
Mission « partager notre patrimoine numérique »
Adami
Directeur général
Cour des comptes
Secrétaire général
Ministère de la Culture
Mission « la numérisation du patrimoine, dimension de la politique culturelle »
Comédie-Française
Directeur général
Centre Pompidou
Directeur général

Fiche n° 1021, créée le 11/12/2013 à 22:42 - MàJ le 14/12/2018 à 10:49

Réseau européen des théâtres de verdure (Resthever)

• Association dédiée à la sauvegarde, à la promotion et à l’animation des théâtres de verdure, lieux uniques, mêlant arts de la scène et du paysage.
• Créé en 2010 au sein de l’association « Théâtre à Saint-Marcel ». Il est né du constat que ces figures de l’art des jardins étaient particulièrement négligées en France, le réseau s’attache à pallier cette méconnaissance et à protéger ces sites fragiles.
• Il est devenu une association indépendante en 2018.
• Missions :
- Recenser les théâtres de verdure
- Diffuser les informations sur l’actualité des théâtres de verdure
- Réaliser des publications scientifiques
- Restaurer/réhabiliter des sites en péril
- Susciter la création de nouveaux théâtres de verdure
- Développer un réseau associatif international de propriétaires et gestionnaires de sites remarquables
- Encourager la pratique artistique de plein air
- Organiser des spectacles au sein du réseau
- Proposer des actions d’aide à la diffusion
• Présidente-fondatrice : Nathalie Deguen
Contact
• Tél. : 04 77 63 54 98

Catégorie : Groupement professionnel


Adresse du siège

Château de Saint-Marcel-de-Félines
42122 Saint-Marcel-de-Félines France


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Fiche n° 11811, créée le 09/03/2021 à 07:17 - MàJ le 09/03/2021 à 19:36

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Nathalie Deguen et Bruno Ory-Lavollée - ©  D.R.